Communiqué de presse No:
2002/074/S |
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WASHINGTON, 11 septembre 2001 --D'après
le Rapport sur le développement dans le monde 2002 : Des institutions pour les
marchés, les insuffisances du cadre institutionnel enchevêtrement des lois,
corruption des magistrats, profondes distorsions des systèmes de crédit et lourdeur des
formalités d'enregistrement des entreprises pénalisent les pauvres et font
obstacle au développement. Selon ce nouveau rapport de la Banque mondiale, les pays qui
s'attaquent systématiquement à ces problèmes et mettent en place des structures
institutionnelles adaptées aux besoins locaux peuvent accroître les revenus de manière
spectaculaire et faire sensiblement reculer la pauvreté. Ces structures peuvent aller de
coutumes et traditions non écrites à des codes juridiques complexes régissant le
commerce international.
« En l'absence d'institutions efficaces, les plus démunis
et les pays pauvres sont dans l'impossibilité de tirer parti de l'économie de marché
», explique Nicholas Stern, Économiste en chef et Premier Vice-Président de la
Banque mondiale, qui a supervisé l'élaboration du rapport. « Ce rapport énonce
les principes de la réforme à mettre en oeuvre, compte tenu de l'expérience de ceux
qui, partout dans le monde, sont aux prises avec les difficultés que pose la mise en
place d'institutions plus efficaces. »
Complexité et inefficacité des institutions : un
problème couramment rencontré
Le problème de la complexité et de l'inefficacité des
institutions se pose fréquemment, en particulier pour les habitants les plus
défavorisés des pays pauvres. C'est ainsi qu'au Mozambique il faut accomplir 19
formalités, attendre cinq mois et acquitter un montant supérieur au revenu annuel moyen
par habitant pour enregistrer une nouvelle entreprise. En Australie, en revanche, il
suffit de deux formalités, de deux jours et d'une somme équivalant à 2 % à peine du
revenu annuel moyen par habitant pour effectuer la même opération. En Slovénie, le
règlement d'un différend concernant un chèque impayé peut prendre jusqu'à quatre ans
; à Singapour, le problème est réglé en 35 jours à peine.
« La complexité excessive de la réglementation est
particulièrement problématique dans les pays pauvres », déclare Roumeen Islam,
directeur du Rapport sur le développement dans le monde 2002. « Au lieu de
protéger les consommateurs et les entreprises, ce type de réglementation a pour effet
d'aggraver la corruption, de détourner l'énergie et d'abaisser la productivité. »
Le rapport conclut que la simplification des procédures
judiciaires peut renforcer l'efficacité sans compromettre l'équité. Le recours à
d'autres systèmes de règlement des conflits, comme ceux fondés sur des normes sociales,
peut également améliorer l'accès des pauvres à des services juridiques. Au Bangladesh,
par exemple, une organisation non gouvernementale offre aux femmes des services de
médiation gratuits qui permettent de régler la plupart des différends villageois en
moins de deux mois, alors que l'instruction d'un dossier similaire par les tribunaux prend
trois ans.
« Pour pouvoir régler les conflits qui se posent dans le
cours normal des affaires, les protagonistes doivent avoir accès à des tribunaux
efficaces et à des juges responsables », continue Islam.
Tirer les leçons des expériences concluantes
Ce rapport offre un cadre de réflexion fondé sur l'analyse
attentive des détails de la conception des institutions à la base. Cette analyse porte
notamment sur de nouvelles études des systèmes juridiques, de la réglementation des
entreprises et de la structure du capital des entreprises du secteur de la communication
dans une centaine de pays.
Sur la base de ces travaux, le rapport fait valoir que toutes
les institutions d'appui au marché remplissent au moins l'une des trois fonctions
suivantes : elles facilitent la circulation de l'information ou y font obstacle ; elles
définissent les droits de propriété et les contrats et en assurent le respect ; elles
stimulent la concurrence ou la limitent. Le rapport conclut que c'est lorsqu'elles
remplissent ces fonctions d'une manière compatible avec la situation du pays et qu'elles
favorisent l'insertion des pauvres que ces réformes et ces innovations sont les plus
efficaces. Citons à cet égard plusieurs exemples :
Dans beaucoup de pays, le système juridique ne
parvient pas à répondre aux besoins des pauvres, qui sont dans l'incapacité de régler
les frais de procédure ou de prendre connaissance de documents juridiques complexes. El
Salvador, la Thaïlande et l'Ouganda ont instauré des tribunaux d'arbitrage de petits
procès qui recourent à des procédures simplifiées, parfois simplement orales. Ces
procédures plus simples permettent de régler les différends de manière plus rapide et
moins coûteuse que les tribunaux ordinaires.
Les procédures d'attribution de titres fonciers sont
souvent trop coûteuses et complexes pour que les pauvres y aient accès. Pourtant, sans
titre de propriété clairement établi, les exploitants agricoles pauvres ne peuvent
utiliser leur terre comme garantie et risquent de renoncer à investir dans certaines
améliorations, notamment en matière de drainage ou d'irrigation. Le Mexique et le Pérou
ont simplifié les procédures d'enregistrement des biens fonciers, de sorte que même les
petits propriétaires puissent obtenir un titre de propriété de façon rapide et
transparente.
Les normes d'infrastructure et la réglementation dans
ce domaine empêchent généralement les petites entreprises qui n'ont pas le capital ou
la technologie nécessaires de remporter des marchés. Or, ce sont précisément ces
entreprises qui pourraient offrir des services à moindre coût aux pauvres. Le Brésil,
la Bolivie et le Sénégal ont récemment assoupli leur réglementation pour permettre la
prestation de services bon marché de téléphone et de raccordement au réseau
d'adduction d'eau dans les bidonvilles.
Le rapport fait valoir que le bien-fondé de telle ou telle
institution dans un pays dépend des mécanismes d'appui, de la technologie et des
compétences disponibles, du niveau de corruption et de ce que coûtent l'accès à ladite
institution et l'entretien de la structure correspondante.
Les auteurs concluent également que la libre circulation de
l'information stimule la demande d'institutions plus efficaces de la part du public, ce
qui a un impact positif sur la gouvernance et la situation économique et sociale. Il
ressort de l'analyse de la répartition du capital des entreprises du secteur de la
communication dans 97 pays que la surveillance par les médias de l'action des pouvoirs
publics est généralement moins efficace lorsqu'elle est le fait d'entreprises
contrôlées par l'État que lorsqu'elle est exercée par des entreprises privées. Les
pays où les organes de la presse écrite, parlée et télévisée sont sous l'emprise de
l'État sont généralement ceux où les droits politiques sont le moins respectés, la
corruption la plus répandue, la gestion économique la plus médiocre, les marchés
financiers les moins développés et les secteurs de l'éducation et de la santé les
moins performants (voir figure).
Les pays qui ont réduit la part de l'État dans le capital de
ces entreprises ont souvent constaté une amélioration rapide de la quantité et de la
qualité des informations diffusées. Au Mexique, par exemple, la privatisation partielle
de la radio-télévision en 1989 s'est accompagnée d'un net accroissement des affaires de
corruption impliquant des agents de l'État dénoncées par les médias. Au Ghana, la
création en 1997 d'une nouvelle station de télévision privée a eu pour effet de
générer davantage de reportages sur les activités gouvernementales et une analyse plus
ouverte de la performance des pouvoirs publics.
Mais une forte concentration du capital privé peut aussi
être une entrave à la liberté de la presse. Ainsi, en Ukraine, durant l'élection
présidentielle de 1999, les entreprises de communication privées qui entretenaient des
relations avec le pouvoir ont permis au président en place de bénéficier d'un temps
d'antenne plus long et de reportages plus complaisants que les six autres candidats.
Il n'y a pas de modèle universel
Il peut être utile de tirer les leçons des succès et des
échecs rencontrés par d'autres pays dans la mise en place de leurs institutions. Mais
prendre des institutions pour modèles et les copier sans se préoccuper de savoir si ceux
qu'elles sont censées servir en ont besoin ou si l'administration et la collectivité ont
les moyens de les utiliser peut entraîner le gaspillage de maigres ressources, ajoutent
les auteurs du rapport.
C'est ainsi qu'au début et au milieu des années 90, la
Gambie et la Zambie ont tenté de mettre en place des marchés boursiers en créant des
marchés des valeurs et en formant le personnel nécessaire. Les entreprises inscrites à
la cote étaient cependant si peu nombreuses, et le volume de transactions si faible, que
les marchés ne pouvaient générer suffisamment de commissions pour s'autofinancer.
Rétrospectivement, il est clair que les conditions nécessaires à la création d'un
marché boursier n'étaient pas réunies et qu'il aurait mieux valu s'efforcer de
satisfaire d'autres besoins, notamment améliorer les systèmes de comptabilité et
d'information.
« Dans le domaine du développement, on a tendance à
décerner à ce qui donne de bons résultats dans un ou plusieurs pays le label de «
pratique optimale » et à tenter ensuite de transposer la formule ailleurs » explique
Islam. « En matière d'institutions, il n'y a pas de modèle universel. »
Les recommandations contenues dans le rapport se résument à
quatre grands principes qui doivent aider les décideurs à mettre en place des
institutions plus efficaces :
- Compléter les structures existantes : On ne
saurait concevoir d'institution sans tenir compte de la nature des institutions d'appui,
des compétences et des techniques disponibles, ainsi que du niveau de corruption. Les
coûts de création et d'entretien de la structure doivent être à la mesure du revenu
par habitant si l'on veut s'assurer que les usagers pourront y avoir accès et s'en
serviront.
- Innover : Les institutions ne sont pas
immuables. Il faut être prêt à expérimenter de nouvelles formules et à modifier ou
abandonner celles qui ne donnent pas de bons résultats.
- Mettre en relation : Relier les communautés
entre elles en assurant la libre circulation de l'information et en instaurant le
libre-échange. L'échange d'informations par le débat public suscite en particulier une
demande de réformes institutionnelles.
- Promouvoir la concurrence : Favoriser la
concurrence entre les juridictions, les entreprises et les individus. La concurrence
stimule la demande d'institutions nouvelles, modifie les comportements, confère de la
souplesse aux marchés et amène à découvrir des solutions inédites.
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